Sudbury m’a beaucoup plu.
Je dois posséder une âme de pionnier. Il est clair qu’en Sibérie « ils » m’auraient accroché une médaille juste au-dessus du cœur. Si vous n’y avez jamais encore mis les pieds, vous ne pourrez pas comprendre…
Sudbury, c’est la planète Mars. On y exploite une seule ressource naturelle, le nickel. Il paraît que ce métal-là ne se trouve pas à tous les coins de rue sur notre planète. Ici, il surabonde. On l’extrait, puis on le raffine. Ça rapporte beaucoup de gros sous à quelques gros bonnets. Le raffinage du brut, de son côté, produisant des gaz peu compatibles avec la poussée germinative de Mère Nature, là où ils retombent.
Le plus souvent, un gaz délétère, quand vous le projetez dans l’atmosphère (ce qu’on respire), finit par redescendre au niveau du sol, qu’il tue. On le projetait au niveau de n’importe quoi au début. Ensuite, en grognant, on a bâti des cheminées. De cette façon, les gaz allèrent tuer beaucoup plus loin qu’avant. On éleva même la plus haute cheminée du Commonwealth britannique. Tout autour, ce fut la planète Mars…
Il faut comprendre que même avec une voiture à sa disposition, à moins qu’on ait de bonnes raisons de franchir la ceinture de la mort, on tourne sans cesse en rond au sein d’un univers kaki. Composé de rochers, de roches et de poussière de roche. Agrémenté ici et là d’étranges buttes, de monticules paradoxaux, comme des bouses de vache le seraient sur la pelousette de monsieur le curé à Westmount. Des collines décédées, ratatinées, foetalisées? Pas du tout.
Revenons au raffinage du nickel brut. On le dégangue. On l’extrait des déchets qui le retiennent prisonnier. On le purifie de ses impuretés. Il gagne son ciel par une température infernale. Que faire de ces saletés, quand on les a retirées? Entonner un Te Deum? Non pas. Les vomir. Pour elles on a par conséquent délimité des dépotoirs ad hoc. Où l’on empile les déchets, en français les scories, en sudburien la slag. À la longue, étant donné la loi de Lempilade, cela donne naissance à des terrils, en sudburien des dumps : les slag dumps.
La nuit, tout un spectacle! C’est qu’on utilise, pour abreuver le dépotoir en activité, un train miniature, juché dans les airs, composé de wagonnets en chapelet, de godets que l’on charge d’abord des déchets en fusion. Ceux-ci, d’un beau rouge vif, font comme de gigantesques braises en vadrouille dans le firmament, vues du plancher des vaches. Un mécanisme ingénieux faisant tout à coup basculer les godets, la braise liquide dévale les pentes du terril, avant de lentement s’y refroidir.
Tout ça avec accompagnement de cris aigus et de plaintes déchirantes, celles du chœur de l’enfer. Inoubliable.
A must.
Jean Forest, Jean Forest chez les Anglais (Tryptique, 1999)
13 décembre 2009? Vraiment?
Il y a 14 ans
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